Lewis Gropp, écrivain, fait la critique d’un film documentaire sur la période la plus grande mais aussi la moins connue de l’histoire de l’Europe : L’Espagne musulmane. Out of Cordoba met en vedette deux philosophes du XIIe siècle – un musulman et un juif – dont les messages de coexistence positive résonnent très fortement, même aujourd’hui. Les juifs, les chrétiens et les musulmans vivaient ensemble, le plus souvent pacifiquement, au nom de la convivencia. Cordoue était la capitale d’une région qui constituait un centre culturel et économique majeur des mondes méditerranéen et musulman. Out of Cordoba est un film documentaire sur la période la plus grande mais aussi la moins connue de l’histoire de l’Europe: L’Espagne musulmane. Pendant près de 800 ans, de larges bandes de la Péninsule ibérique ont été sous contrôle musulman. Al-Andalus, le nom de l’Espagne mauresque, est jusqu’à ce jour considérée comme une ère empreinte de tolérance. Les juifs, les chrétiens et les musulmans vivaient ensemble, le plus souvent pacifiquement, au nom de la
convivencia(coexistence). Cordoue était la capitale d’une région qui constituait un centre culturel et économique majeur – des mondes méditerranéen et musulman.
Dans
Out of Cordoba, sorti l’an dernier mais que l’on peut désormais se procurer dans les établissements scolaires partout aux Etats-Unis, le cinéaste juif américain Jacob Bender, répond à l’idée du choc des civilisations en évoquant l’esprit tolérant de Cordoue et en retraçant l’histoire de deux philosophes du XIIe siècle: le juif Maïmonide et le musulman Ibn Rushd (Averroès). Comme l’explique Jacob Bender au début du film, après les attentats terroristes de New York, sa ville natale, il a ressenti le besoin de trouver un nouvel espoir et un idéalisme afin de réfuter la théorie du conflit. Retracer l’histoire selon l’esprit d’Ibn Rushd et de Maïmonide et, dans une certaine mesure, le propre pèlerinage d’espoir de Jacob Bender, montre que la tolérance et la pensée libre – dans le passé et de nos jours – peuvent aider à réduire les clivages même les plus profonds.
Maïmonide et Ibn Rushd étaient philosophes, juristes et médecins, défenseurs des idées aristotéliciennes et partisans de la pensée logique et libre. Dans le Cordoue d’aujourd’hui, le film suit Jacob Bender lors de ses rencontres avec des gens inspirés par l’esprit des deux hommes. Parmi eux, un imam qui lit à haute voix une
fatwa (un avis religieux) contre Oussama ben Laden, le traitant d’infidèle en raison des crimes violents qu’il a commis.
Jacob Bender s’entretient aussi avec le ministre espagnol des Affaires étrangères Miguel Angel Moratinos, qui affirme que Maïmonide et Ibn Rushd l’ont inspiré en tant que diplomate. Les deux hommes sont des figures historiques, explique M. Moratinos, qui prouvent que la coexistence du judaïsme, du christianisme et de l’islam ne conduit pas inévitablement au conflit et à la confrontation mais qu’elle peut être une inspiration mutuelle en vue de réalisations culturelles extraordinaires.
Les spectateurs suivent ensuite Jacob Bender sur les traces de Maïmonide et d’Ibn Rushd à travers la région méditerranéenne. Il met le cap sur le Maroc où il rencontre André Azoulay, un citoyen juif et conseiller du roi du Maroc. M. Azoulay parle de dialogue culturel et souligne combien il est urgent d’écouter le message de tolérance de ces deux hommes originaires de Cordoue. « Maïmonide nous a appris, à nous les Juifs, à faire de notre judaïsme un instrument de réconciliation et non un outil dogmatique où le fondamentalisme trouve refuge », dit-il. « Dans le monde musulman, [Ibn Rushd] incarne le même rationalisme. »
L’un des moments les plus émouvants du film est la rencontre de Jacob Bender avec le rabbin Arik Ascherman à Jérusalem. Jacob Bender déclare qu’au départ, il ne pouvait imaginer pouvoir inclure des politiques contemporains dans un film sur Maïmonide. Les efforts accomplis par Arik Ascherman pour réconcilier les juifs et les musulmans – en ayant recours aux traditions religieuses juives et à Maïmonide – ont semblé suggérer le contraire.
« Maïmonide nous a appris que nous ne pouvons pas faire l’autruche; nous ne pouvons pas esquiver les problèmes », affirme M. Ascherman. « Nous devons tenter de les attaquer de front. Nous devons résoudre les conflits auxquels nous sommes confrontés. Pour ce faire, nous devons trouver un moyen de voir l’image de Dieu dans nos frères et nos soeurs d’origine musulmane. »
Le point de vue de M. Ascherman est que le statu quo devrait changer du tout au tout et que la religion devrait faire partie de la solution dans le conflit israélo-palestinien. Avec une voix tremblante d’indignation, le rabbin décrit les injustices et la violence vécues par de nombreux Palestiniens comme la destruction de leurs maisons dans Jérusalem-Est par les bulldozers. Il compare son organisation, Rabbis for Human Rights (Rabbins pour les droits de l’homme) à la « conscience d’Israël », une structure au sein de laquelle les rabbins font campagne pour les droits de leurs compatriotes, les Israéliens palestiniens et les Palestiniens dans les territoires occupés.
Le film s’achève sur David Burrell, un professeur de théologie, chrétien, qui souligne que pour avoir étudié avec un esprit critique leurs propres traditions religieuses et adopté des traditions qui au départ n’étaient pas les leurs, Ibn Rushd et Maïmonide font figure de pionniers.
Enfin, après avoir suivi les traces d’Ibn Rushd et de Maïmonide et voyant les personnes qui restent encore aujourd’hui très inspirées par ces deux figures, Jacob Bender regarde l’allure de Jérusalem, une ville devenue synonyme de dissension humaine, et déclare qu’au terme de son voyage, il ne peut s’empêcher de croire à l’existence d’alternatives au choc des civilisations et au pouvoir de réconciliation interreligieuse.
Lewis Gropp
Pour en savoir plus : http://outofcordoba.com/ ___________
Lewis Gropp est un journaliste indépendant basé à Cologne en Allemagne. Article écrit pour le Service de Presse de Common Ground (CGNews).
© Source : Service de Presse de Common Ground (CGNews), 19 juillet 2011,
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