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Moyen-Orient : l’attention portée aux autres peut-elle contribuer à rapprocher ?  06/04/2013

Moyen-Orient : l’attention portée aux autres peut-elle contribuer à rapprocher ?
Aviad Haramati et Nancy Harazduk, enseignants à l’Ecole de médecine de l’Université Georgetown, offrent une nouvelle perspective en matière de résolution des conflits : réunir des médecins, des infirmières et des travailleurs sociaux de différents pays du Moyen-Orient pour qu’ils partagent leur expérience en matière de soins apportés aux personnes atteintes d’un cancer. Pour ces deux professeurs juifs d’une université jésuite, avoir l’occasion de travailler avec du personnel médical musulman, chrétien et juif dans un tel cadre est une expérience émouvante.

Washington, DC – Les nouvelles quotidiennes du Moyen-Orient sont en général cause de pessimisme : un état de conflit permanent semble s’étendre dans toute la région. Pourtant, chaque année, un événement remarquable a lieu à Larnaca (Chypre) – pour le moins, durant quelques jours. Ces quelques jours donnent un aperçu de ce qui peut se produire quand les gens se sentent en sécurité pour communiquer les uns avec les autres dans un environnement authentique où l’on ne porte pas de jugements.
 
Chaque année, le Middle East Cancer Consortium (MECC), une initiative qui a débuté sous l’administration Clinton, réunit durant trois jours, à Larnaca, une quarantaine de professionnels de santé (médecins, infirmiers et travailleurs sociaux) de nationalités différentes, chargés de s’occuper des cancéreux, afin de partager certains aspects de leur travail en matière d’oncologie et de faire connaître les pratiques les plus abouties en termes de soins dans ce domaine. Le MECC a été créé avec le soutien des ministères de la Santé d’Israël et de l’Autorité palestinienne auxquels se sont associés l’Egypte, la Jordanie, Chypre et la Turquie.
 
Une particularité est à relever : chaque jour, les participants – des Egyptiens, Israéliens, Jordaniens, Palestiniens, Chypriotes et Turcs – passent deux heures à faire de la méditation, de l’imagerie mentale et même des mouvements expressifs destinés à réduire le stress et à favoriser la conscience de soi. Ces personnes qui sont des professionnels de santé sont divisées en deux groupes; l’un dirigé par Aviad Haramati, professeur de médecine ; l’autre par Nancy Harazduk, directrice d’un programme portant sur le corps et l’esprit. Le but de ces séances est de donner aux participants les moyens d’améliorer le contrôle de soi, d’accroître le bien-être et de promouvoir les relations d’aide dans un esprit collégial. Il ressort que le résultat est fantastique. Au terme d’une journée seulement, les personnes originaires de pays techniquement en conflit – des personnes qui avaient peu de chances de communiquer les unes avec les autres, encore moins de partager des histoires ou sentiments personnels – finissent par vraiment s’intéresser aux autres et exprimer clairement leurs sentiments.
 
Comment cela se fait-il ? Nous ne cessons de nous poser la question. Pourtant, c’est ce que nous avons observé chaque année depuis que notre groupe de l’Ecole de médecine de l’Université Georgetown a été invité à rejoindre le MECC en 2005.
 
Ces personnes supposées ennemies ont en commun leur dévouement et leur engagement auprès de patients souffrant du cancer. Toutefois, nous pensons qu’en établissant des règles de base qui consistent à respecter la confidentialité, à ne pas juger et à écouter l’autre avec tolérance et bienveillance, nous pouvons favoriser le développement de liens solides et vrais entre les participants.
 
Le séminaire se déroule en trois parties. La première partie est « la présentation » – les participants, sont assis en cercle ; ils peuvent raconter ce qu’ils vivent émotionnellement, physiquement et spirituellement à travers leurs vies professionnelles et familiales et évoquer le défi qui consiste à trouver un équilibre entre les deux.
 
Cet exercice a permis de profonds échanges. Il y a quelques années, par exemple, une infirmière palestinienne a raconté que son fils avait été tué par des soldats israéliens. Une travailleuse sociale israélienne a alors confié que son fils avait été tué par des Palestiniens. Les deux mères éplorées, nourries par le même chagrin, se sont levées et sont tombées dans les bras l’une de l’autre, au beau milieu du groupe.
 
Cette année, un médecin spécialisé dans le traitement pour enfants atteints de cancer a fait part de sa peine après avoir appris la mort d’un de ses jeunes patients âgé de douze ans. Les membres du groupe, d’origines différentes, l’ont réconforté et écouté avec attention alors qu’il décrivait sa relation avec l’enfant et la souffrance causée par son décès.
 
Parfois, les discussions sont légères et drôles. Les participants racontent les fameuses histoires liées au dysfonctionnement des systèmes de santé et aux problèmes de bureaucratie.
 
La deuxième partie du séminaire consiste à découvrir l’une des approches relatives au corps et à l’esprit (méditation, imagerie ou mouvement) et la troisième partie implique que l’on raconte ce qu’elle a apporté.
 
Permettre d’exprimer ce que l’on a vécu dissipe la méfiance et crée le sens de la communauté, même entre étrangers, car les participants apprennent les uns des autres et s’aperçoivent qu’ils ont plus de points communs que de différences. L’exercice identifie les problèmes sérieux auquels sont confrontés les professionnels de la santé qui côtoient chaque jour la souffrance et la mort.
 
Pour nous qui sommes tous deux professeurs juifs d’une université jésuite, avoir l’occasion de travailler avec du personnel médical musulman, chrétien et juif dans un tel cadre est une expérience émouvante.
 
Ce programme ne doit pas se limiter au monde médical. A l’université Georgetown, nous l’avons introduit avec succès dans l’Ecole de Droit, l’Ecole de Commerce et l’Ecole de Diplomatie. De même, nous pouvons appliquer le modèle de la médecine du corps et de l’esprit pour relier des individus de pays en guerre à des professionnels au Moyen-Orient investis dans le droit, le commerce et même la politique. Uns des personnes ayant participé à la conférence de cette année a indiqué que « Si les hommes politiques assistaient aux séances organisées par Aviad et Nancy, le monde baignerait dans la paix. »
 
Nous l’espérons. Tout ce qu’il faut c’est la volonté de ne pas juger, d’être authentique et d’ouvrir son coeur afin d’écouter l’autre avec une générosité spirituelle.
 
Avias Haramati et Nancy Harazduk
__________
Avias Haramati, titulaire d’un doctorat, professeur de physiologie et de médecine à l’Ecole de Médecine de l’Université Georgetown. Nancy Harazduk, titulaire d’une maîtrise en travail social, est maître de conférences en matière de médecine familiale et directrice du programme sur la médecine du corps et de l’esprit à l’Ecole de Médecine de l’Université Georgetown. Article écrit pour le Service de Presse de Common Ground (CGNews).
 
© Source : Service de Presse de Common Ground (CGNews), 16 décembre 2011, www.commongroundnews.org  




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