Suite à la profanation de plusieurs mosquées palestiniennes en décembre 2011, le rabbin Gideon D. Sylvester nous parle de la théologie juive à propos d’injustice : « Le monde entier a été choqué d’apprendre la profanation de mosquées et l’inscription de graffiti racistes sur leurs murs en Israël. Quant aux juifs israéliens, nous avons éprouvé de la honte. Nous nous sommes demandés : les auteurs de ces actes savent-ils que l’histoire et la théologie juives enseignent explicitement le respect de tout être humain et la nécessité de s’élever contre l’injustice ? »
Jérusalem – Le monde entier a été choqué d’apprendre la profanation de mosquées et l’inscription de graffiti racistes sur leurs murs en Israël. Quant aux juifs israéliens, nous avons éprouvé de la honte. Nous nous sommes demandés : les auteurs de ces actes savent-ils que l’histoire et la théologie juives enseignent explicitement le respect de tout être humain et la nécessité de s’élever contre l’injustice quand on la voit ?
En tant que jeune juif britannique, j’ai grandi avec le spectre de l’holocauste et j’ai entendu parler de la nuit de cristal, en 1938, lorsque des dizaines de synagogues furent attaquées en Allemagne. Dans les regroupements de jeunes, nous discutions de la façon dont la diabolisation d’un groupe de personnes et la destruction de leurs lieux de culte était un premier pas vers le génocide. Nous proclamions alors avec fierté : « plus jamais ça ! » Plus jamais, cela ne devait arriver aux juifs, plus jamais, cela ne devait arriver à quiconque.
Nous avons compris qu’un Etat juif souverain devait conformément à la Bible, protéger tout le monde, y compris ceux qui ne partagent pas notre héritage.
En explorant notre relation avec d’autres religions, nous avons découvert qu’au Moyen-Âge, les grands rabbins apprenaient à leurs disciples que l’islam est une religion monothéiste dont les fidèles doivent être traités avec respect.
Quand le grand philosophe juif Maïmonide se demanda pourquoi Dieu avait crée autant de gens de religions différentes à la sienne, il en est arrivé à la conclusion que même si la volonté de Dieu était insondable, l’islam et le christianisme semblaient faire partie du dessein divin de répandre un monothéisme éthique à travers le monde.
Cette approche libérale envers d’autres confessions religieuses fut mise à l’épreuve avec la création en 1948 de l’Etat moderne d’Israël. Comment l’Etat hébreux allait-il traiter les autres communautés religieuses ? Les premiers grands rabbins d’Israël réfléchirent à la question et établirent clairement que selon la loi juive, les musulmans et les chrétiens avaient droit à la citoyenneté à part entière dans le nouvel Etat.
Cette décision fut réaffirmée dans la Déclaration d’Indépendance de l’Etat d’Israël qui proclame que le nouveau pays « assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe », qu’il « garantira la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture », et qu’il « assurera la sauvegarde et l’inviolabilité des lieux saints et des sanctuaires de toutes les religions ».
Paradoxalement, ce fut le rabbin Abraham Isaac Kook, premier grand rabbin de la Terre sainte, et surtout grande figure du sionisme, qui nous mit en garde contre le nationalisme juif et le fait qu’il comportait, comme tout nationalisme, les dangers inhérents à la xénophobie. Le grand rabbin considérait l’Etat juif embryonnaire comme l’accomplissement d’une vieille prophétie biblique ; merveilleuse, créative et éthique. Cependant, il avertit que si le pays ne remplissait pas ses responsabilités vis à vis de tous ses citoyens, « il franchirait, à ce moment-là, les limites de la moralité en outrepassant ses limites ».
Cet avertissement était juste. Un courant xénophobe, faisant fi des droits légitimes des Palestiniens dont les familles vivent ici depuis des générations a fait son apparition dans le pays. Si seule une petite couche de la société israélienne y adhère ; il reste néanmoins dangereux et il faut l’arrêter. Ses adhérents ont commencé par tenir des propos abominables et triomphalistes qui ont abouti aux attaques d’oliveraies appartenant à des Palestiniennes ; à présent, ils s’en prennent aux personnes et aux mosquées. Paradoxalement, la violence est en train d’évoluer et de se diriger vers l’intérieur, c’est-à-dire, contre des soldats israéliens dont le travail est de maintenir la loi et l’ordre, de protéger les colons et d’exécuter l’engagement d’Israël dans le démantèlement des colonies illégales.
Peut-être que ces événements font simplement partie d’un phénomène d’intolérance religieuse en hausse partout dans le monde. Ou peut-être sont-ils le résultat de la frustration due au fait que le retrait israélien de Gaza n’a pas fait cesser les fréquents tirs de roquette à la frontière. Ou peut-être encore, qu’ils découlent de la crainte suscitée par les ambitions nucléaires de l’Iran et par sa volonté de détruire Israël.
Toutes ces menaces existentielles effraient beaucoup de juifs israéliens et anéantissent leur foi dans la possibilité d’une paix. Ainsi, les colons s’indignent du fait qu’ils puissent éventuellement être délogés de leurs maisons en échange d’une paix chimérique.
Indépendamment de ces craintes, les actions violentes contre des civils innocents ou leurs biens ou encore leurs lieux de cultes sont immorales, pas conformes aux valeurs juives et inacceptables. Ces actions salissent le nom des croyants et de Dieu.
Nous devons dénoncer l’intolérance religieuse et travailler plus dur pour le dialogue et pour la paix.
Nous devons exiger de nos dirigeants qu’ils parviennent à un accord juste avec les Palestiniens, nous devons nous empresser d’arriver à une ère où tous les habitants de ce pays pourront vivre dans la paix, la justice et la dignité. Telle était la vision de nos prophètes : « Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on n’apprendra plus à faire la guerre. » (Isaie 2, 4).
Rabbin Gideon D. Sylvester
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Gideon D. Sylvester est le rabbin de la synagogue British United en Israël et dirige le programme de Beit Midrash « Rabbins pour les droits humains » consacré aux opinions juives sur les questions de droits de l’homme, à la maison de Hillel de l’Université hébraïque de Jérusalem. Article écrit pour le Service de Presse de Common Ground (CGNews).
© Source : Service de Presse de Common Ground (CGNews), 13 janvier 2012,
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